Soutenir la production et le partage d'informations qui contribuent au changement social

Interview Affoué Clarisse Yao, SGA de l’ISSEPCI : « C’est une question de détermination, de volonté, et d’engagement»

Vous êtes secrétaire générale adjointe de  l’Intersyndicale de l’Enseignement Préscolaire et Primaire de Côte d’Ivoire (ISSEPCI). Pourquoi avoir opté pour le syndicalisme ? 

Au niveau de l’Intersyndicale de l’Enseignement Préscolaire et Primaire de Côte d’Ivoire (ISSEPCI), je suis au poste de secrétaire adjointe. J’ai suivi avec beaucoup d’intérêt la lutte des différents secrétaires généraux de ce syndicat. Je me suis dit qu’il fallait que je lutte pour notre bienêtre, que je lutte pour que les choses changent. Pour  atteindre cet objectif, je me suis lancée dans le syndicalisme.

Quels sont vos rapports avec les membres du bureau de l’ISSEPCI ?

Nous avons de bons rapports. J’arrive à faire mon travail qui consiste à suivre les réunions et ensuite faire les rapports. J’exécute toutes les tâches qui me sont confiées par mes responsables

Pourquoi les femmes se font rares dans le syndicalisme ?

Les femmes sont rares dans le syndicalisme parce qu’elles n’ont pas compris que leur contribution peut changer les choses. Ensuite, il ya des préjugés qui font que les hommes ont peur des femmes qui s’engagent dans le syndicalisme. Il y a également les préjugés qui font que les femmes, bien que présidentes, ne sont pas au devant de la scène. Aussi compte tenu des charges familiales, les femmes n’ont le temps de participer véritablement à la vie et aux activités du syndicat. Un aspect qu’il ne faut pas négliger, les femmes ne se font pas confiance parce que les hommes ont réussi à créer en elles un complexe.

Comment avez-vous fait pour arriver à ce niveau ?

Pour arriver à ce niveau, cela n’a pas été du tout facile. J’ai dû me battre, me donner les moyens pour assumer mes responsabilités. Il faut savoir que le syndicalisme prend beaucoup de temps. Il fallait que je sois vraiment disponible malgré mes occupations professionnelles. J’ai dû m’organiser  pour concilier, vie familiale, vie professionnelle et syndicalisme. (Rire… ).  Lorsque je suis en cours et que je suis informée qu’il y a une réunion, je m’attèle à honorer mes engagements. Même si quelques fois je viens avec deux minutes de retard. Comment faites vous pour gérer votre foyer et vous occupez de l’éducation de vos enfants ? En tant que femme au foyer, en dehors de l’organisation que je mets en place, il faut toujours trouver les mots justes pour pouvoir sortir de la maison avec les bénédictions de mon époux.  En ce qui concerne les enfants je m’arrange à surveiller leurs repas, je les aide à faire leurs devoirs. Je fais tout pour être présente quand la maisonnée a besoin de moi. Je vous dis que ce n’est pas facile. C’est une question de détermination, de volonté, et d’engagement.

Quel est votre secret pour surmonter les obstacles ?

Je prie beaucoup. Je me mets au-dessus des frustrations et des remarques désobligeantes. Je me fixe sur mon objectif quel que soit le problème.

Depuis combien d’années êtes-vous dans le syndicalisme ?

Cela fait cinq ans que je suis dans le syndicalisme mais je le faisais discrètement.

Comment ?

J’assistais aux réunions convoquées par le bureau en tant que militante de base. Je donnais mes opinions sur les différentes luttes à mener mais je ne m’affichais pas. Aujourd’hui vous vous affichez…
Aujourd’hui, Je faisais le rapport de secrétariat, les pv. Je peux assurer une mission. En tout cas je fais tout ce que le bureau me demande de faire. Les secrétaires généraux jouent leur rôle et lorsqu’une tâche t’est confiée, tu dois être à même de l’exécuter correctement.

D’où est parti le déclic ?

Je suis dynamique et je pense que le syndicalisme pour moi est inné. Pour être efficace, il faut être disponible et le vouloir. C’est une question de volonté.

Combien de femmes comprend votre bureau ?

L’Intersyndicale de l’Enseignement Préscolaire et Primaire de Côte d’Ivoire (ISSEPCI) est composé de 16 syndicats et chacun est représenté par au moins deux membres. Il y a au moins cinq (5) femmes dont une secrétaire générale qui a en charge, la maternelle. Quelques fois la lutte syndicale conduit en prison.

N’avez-vous pas peur ?

Non pas du tout. C’est vrai que dans toute lutte, il y a des moments où les choses tournent au vinaigre et certains leaders ou membres de bureau sont emprisonnés. Mais il faut que les gens comprennent que nous bénéficions tous des retombées des luttes menées par nos prédécesseurs et nos leaders syndicaux. Ceux-ci mettent leur vie en danger pour le bienêtre de tous.

Si chacun de nous reste à la maison qui va lutter ? Mais tout le monde ne peut pas lutter ?

C’est vrai que tout le monde ne peut pas lutter mais il faut bien que certains luttent pour le bien-être de tous. Mais en même temps, nous devons savoir que nous avons tous des familles mais les choses changeront que lorsque nous déciderons que  cela change. Les hommes et les femmes doivent se mettre ensemble pour porter la voix de la corporation et partant pour toute la Côte d’Ivoire. Car quand l’école va bien, tout va. Si les femmes continuent de se
mettre en retrait et que les hommes décident de ne plus donner leur poitrine, on ira inéluctablement à la mort.

Mais il ya les risques ?

Effectivement, nous sommes conscientes qu’il y a des risques. Mais ce n’est pas parce qu’il ya des risques que nous allons croiser les bras et ne rien faire ? Je ne vais rien gagner personnellement mais j’aurai contribué à l’épanouissement de tout le monde. Nous sommes en Afrique et chez nous, nous disons que c’est un seul chasseur qui tue l’éléphant et tout le village en bénéficie. Mais il faut trouver la personne pour le faire. Donc je ne trouve pas d’inconvénients  à ma participation à ce syndicalisme et partant à la participation politique puisque la lutte syndicale a un impact sur toute la population ivoirienne. Par exemple, la lutte de la plateforme des organisations professionnelles du secteur privé, qui comprend plus de 60 syndicats, a, à la suite de la grève générale de trois semaines, obtenu  la satisfaction de 5 points sur les 6 posés et cela a contribué à l’amélioration des conditions de vie des travailleurs, de leur famille et de tout le pays.

Pensez-vous pouvoir défendre les intérêts de votre corporation quand vous bénéficiez de la subvention de l’Etat ?

Oui bien sûr. L'aide que l'Etat apporte a pour but d'aider les syndicats à mieux mener leur lutte.  Et je pense que cela ne peut l'entraver.

Avez-vous des ambitions politiques ?

Pour le moment je lutte à travers l’ISSEPCI pour l’amélioration des conditions de vie et de travail des travailleurs. Un point important à retenir c’est que la participation au syndicalisme, forme le syndiqué et lui permet d’avoir une vision plus globale.

Qu’est-ce que le genre pour vous?

Lorsque l’on parle de genre, cela renvoi à l’égalité. C'està-dire que ce qu’Affoué Clarisse peut faire, Yapo ou Jules peut le faire. Donc
qu’on ne mette pas de barrières. Il faut donc donner aux hommes et aux femmes, les mêmes chances, et opportunités. Ce n’est pas une affaire de suprématie mais nous sommes complémentaires. Et si le genre est pris en compte, le pays s’en portera mieux.  

La place de la formation dans le syndicalisme ?

L’on n’a pas forcément besoin d’être formé pour venir au syndicalisme puisque le syndicalisme forme. Mais il serait intéressant, qu’étant membre d’un syndicat, l’on accepte de se former. Car un syndicalisme mal formé est un danger pour lui-même et pour les autres. L’on peut se former sur le tas et ensuite se former individuellement. C’est vrai que la formation est importante mais l’essentiel c’est d’abord l’engagement, ensuite la détermination et enfin la formation.

Que pensez-vous des jeunes filles qui se contentent de jouer les figurines tant dans les syndicats que les partis politiques ?

Se contenter de venir écouter et ne pas s’engager, c’est subir. Elles subissent parce que lorsque tu ne milites pas, tu ne peux pas donner ton avis. Par exemple, si l’on annonce une grève,tu auras l’occasion de donner ton point de vue. Il ne s’agit plus de subir, de se contenter du peu. Les femmes doivent oser prendre la parole et donner son avis, son opinion.

Mais pour donner son opinion, il faut savoir s’exprimer, il faut être formée ?

Oui ! C’est pourquoi je dis, qu’il faut dans un premier temps, l’engagement. Parce que pour être formé, il faut d’abord s’engager.  Nous sommes au 21è siècle, et la femme doit arrêter de jouer le second rôle. Elle doit pouvoir prendre des initiatives et donner son avis.  Vous savez, les réseaux sociaux nous permettre de nous former. Nous ne devons pas rester inactives, nous devons nous engager.      

 Interview réalisée par Rosemonde Kouadio