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CASAMANCE : LES FEMMES SE REBELLENT CONTRE LA PAUVRETÉ

Ziguinchor, 31 août (APS) – Les femmes investissent de plus en plus les filières économiques rentables dans le sud du Sénégal, profitant de l’accalmie consécutive à une longue période d’insécurité dans la région.

A leur manière, les femmes casamançaises participent à la reconstitution du tissu économique de leur région, sans compter qu’elles contribuent par ce biais aux efforts pour briser les chaînes de la pauvreté.

 

Elles ne lésinent pas sur les moyens, pour participer à la relance d’une économie malmenée par une crise sécuritaire, dans cette région gorgée d’importantes ressources agricoles.

Après une matinée d’intense labeur, elles regagnent le village où elles gèrent aussi une ferme avicole’’, souligne la secrétaire générale du Groupement des femmes de Kabiline, Fanta Mari, qui peine à cacher sa fierté.

 

"NOUS NE MANGEONS QUE DES PRODUITS BIO"

 

Dépourvu de moyens de transport adéquats pour écouler leur production, le GIE de Kabiline se débrouille en mettant en place ce que ses membres considèrent comme "une stratégie commerciale interne". 

"Chaque membre de la structure doit acheter une partie de la production de poulets, le restant étant écoulé dans les autres villages par des femmes qui parcourent plusieurs kilomètres à pied", explique une femme vêtue d’une tenue de travail manifestement usée par les longues journées de labeur.

Comme tant d’autres villages de la Casamance, celui de Kabiline a subi les conséquences des affrontements entre l’armée sénégalaise et une rébellion née dans cette partie du pays en 1982. 

A cause de ce conflit, ses habitants étaient de potentiels candidats à l’exode vers les centres urbains ou vers la Gambie voisine.

"Les initiatives agricoles féminines ont fixé les populations. Le village commence à renaître. Les femmes cultivent des produits bio. Nous ne mangeons que du bio", se réjouit Ibou Sékou Mané, un père de famille de Kabiline.

Les femmes de ce village suivent aussi des cours d’alphabétisation en leadership, gestion, genre et nutrition – en diola, la langue dominante. 

A travers d’autres initiatives similaires en Casamance, d’autres femmes gagnent leur vie, comme à Mandina Mancagne, village du nord de Ziguinchor célèbre pour avoir été le théâtre d’affrontements sanglants entre l’armée et les combattants de la rébellion, en août 1997. Vingt-cinq soldats avaient péri. Mandina Mancagne s’est par la suite vidé de ses habitants gagnés par la panique.

Une impressionnante rangée de périmètres maraîchers se dresse désormais dans les environs de ce village, à la mesure de ses nombreuses potentialités agricoles -des filières diverses, une pluviométrie abondante, une terre fertile.

Les villageois de Mandina Mancagne font visiblement preuve d’une forte détermination pour vaincre la pauvreté, l’accalmie consécutive aux violences aidant. 

 

"A MANDINA MANCAGNE, NOUS AVONS RETROUVÉ NOTRE DIGNITÉ"

Des femmes obligées, par le passé, de quitter leur village tentent de prendre leur revanche sur ce triste épisode. Elles viennent de Bissine, un village voisin rudement affecté par le conflit. A Mandina Mancagne, elles s’investissent dans la transformation des déchets en briquettes de charbon écologique, une activité qui leur ouvre les portes de la réinsertion sociale.

"Nous avons retrouvé notre dignité en gagnant notre vie. Nous étions très affectées par le conflit. Nous avons perdu des proches, des biens et des terres. Nous étions dans une situation d’extrême pauvreté et avions perdu tout espoir", se souvient Awa Sagna

Ces femmes tentent maintenant de convaincre les pouvoirs publics sur les enjeux économiques de leur nouvelle filière en vue d’inciter les investisseurs pour passer à l’industrialisation de leur activité.

D’autres femmes des zones rurales s’activent en grand nombre dans la filière anacarde, dont la saison bat son plein en Casamance. 

"LES FEMMES ONT PRIS EN MAIN LES FOYERS"

 

Dans le village de Baconoum, par exemple, les femmes passent des journées entières à ramasser des pommes d’acajou. Sous le soleil, elles trient les noix avant de les transporter au magasin de séchage.

"La noix d’acajou, c’est notre pain quotidien. Nous prenons nous-mêmes en charge la scolarité et les soins de santé de nos enfants. Même après la saison, nous continuons à vivre de nos revenus", se réjouit Elise Diatta, la présidente du GIE de femmes de Baconoum.

Dans de nombreux villages casamançais regagnés par les ex-déplacés, la filière anacarde procure d’importants revenus aux femmes, qui "prennent maintenant en main les foyers", constate Alphonse Diatta. 

Les dépenses familiales sont de plus en plus assurées par la gent féminine, reconnaît cet homme dévoué à cette révolution du pouvoir d’achat, aidant son épouse à ranger les noix d’acajou dans des sacs.

De l’âne à l’avion

A Barafe, un village voisin de Baconoum, Noëlle Niouky incarne la réussite féminine. Cette quinquagénaire exploitant un champ hérité de ses parents, incarne dans ce patelin la réussite sociale que procure la filière anacarde.